Portraits : Des sorcières malgré elles aux revendications de sorcières assumées

 

 

C’est le début de l’automne, les feuilles tombent, les citrouilles s’illuminent et la scorpion season est là… Vous l’avez compris : Halloween arrive à grands pas. On vous propose donc de découvrir et de célébrer quelques « sorcières » présentes dans notre jeu féministe Bad Bitches Only ou ses extensions Feminist Warriors et Queer Icons.

 

Métaphore de la haine de la société envers les femmes et les différences, symbole forcé ou assumé du féminisme, la sorcière revêt plusieurs formes dans l'Histoire mais aussi dans nos imaginaires. Intuitions, pouvoirs et force de la Nature nous mènent jusqu’à elles.

N’hésitez pas à ramenez votre thé et vos bonbons, nous partons en immersion…

 

 Hypatie, celle que l’on décrit comme la première sorcière

Couverture de la BD Hypathie
Née aux alentours de l’année 360, Hypatie est une philosophe, astronome et mathématicienne d’Alexandrie. Cette femme de lettres et de sciences mit la transmission des savoirs au cœur de son existence.
Après un séjour à Athènes pour approfondir des études de mathématiques puis de philosophie, Hypatie rentre à Alexandrie où elle enseigne à l'école néoplatonicienne qu’elle dirigera quelques années plus tard. Ses talents de pédagogue font de ses enseignements ceux parmi les plus réputés d’Alexandrie et des autres régions de l’empire romain d’Orient. Elle est donc respectée mais aussi jalousée à cause de la place importante qu'elle occupe aux yeux du peuple.
 
Pour contextualiser, nous sommes en pleine chute de l’empire Romain. L’Eglise chrétienne continue d’étendre ses pouvoirs en interdisant la pratique d’autres cultes et en persécutant les populations païennes et juives, notamment en organisant l’arrivée de l’évêque Cyrille à Alexandrie en 412. Ce dernier, réputé pour son extrême violence, n’hésite pas à perpétrer indirectement une tentative d’assassinat ratée contre le préfet augustale Oreste, grand ami d'Hypatie. Il n’en restera malheureusement pas là puisque sous ses ordres, une horde de moines fanatisés exécutera Hypatie en mars 415, l'accusant d'hérésie, après de nombreuses tortures dans l’église du Kaisareion et avant de la brûler hors de la ville.
Récupéré et déformé par de nombreux peintres, poètes et écrivains, le drame d'Hypatie est souvent observé par le prisme de sa virginité supposée, l’érigeant en vierge sacrifiée sur l’autel du fanatisme plutôt qu’en femme de pouvoir.
 
S’attaquent-ils à la femme de savoirs, à ses enseignements «païens » ou encore à sa pédagogie?
 

Hildegarde de Bingen, la magie verte au service de l'Église et pour le peuple

 

L'homme au cœur de la Création et de l'Univers, Illustration d’Hildegarde de Bingen (3 siècles avant L'homme de Vitruve de  Léonard de Vinci)
Religieuse bénédictine mystique, compositrice, femme de lettres ou encore érudite des vertus des plantes, Hildegarde de Rupertsberg, aussi connue sous le nom de Hildegarde de Bingen, naît en 1098 en Allemagne. Elle rejoint dès ses 8 ans le couvent des bénédictines de Disibodenberg et à l'âge de 14 ans, elle prononce ses vœux perpétuels et reçoit le voile monastique. Elle décide de retranscrire des visions qu’elle a depuis son enfance dans le Scivias (du latin Scia Vias Dei «sache les voix de Dieu») à l’âge de 43 ans. Les messages de l’au-delà qu’elle reçoit prennent la forme de visions prophétiques parfois sur de grands personnages de son temps.
On pourrait croire que ces derniers lui portent préjudice mais c'est sans compter sur le soutien et les encouragements du pape Eugène III et de l'archevêque Bernard de Clairvaux qui la poussent à poursuivre son activité littéraire. Celui-ci ira même jusqu’à supplier les autorités cléricales pour que les œuvres de Hildegarde soient mises en lumière.
 
Littérature, musique et médecines douces, ses réalisations comptent de nombreux livres, plus de 77 symphonies (encore reprises par de nombreuses bénédictines aujourd’hui) et 2 traités médicaux.
« Le corps est l'atelier de l'âme où l'esprit vient faire ses gammes. »
Mettant un point d’honneur à l’harmonie entre le corps, l’âme et l’esprit la médecine hildegardienne s'articule autour de l'art de guérir par les plantes et les pierres.
Jusqu’à l’heure sous la dépendance de monastère d’hommes, elle réussit à fonder un monastère de femmes indépendant à ses 49 ans. Elle s’attelle par la même occasion, à transmettre ses différentes connaissances aux nonnes de nombreux monastères où elle intervient, prônant que l’esprit de ces dernières est en tous points capable et comparable à celui des hommes. Cette remarque ne manqua pas de choquer certains membres du clergé et de la noblesse allemande de l'époque.
Relations épistolaires, prises de positions politiques et volonté de lutter contre l’injustice, tant de sujets qui rendront sa vie passionnante. Elle est figure d’une évolution historique où les femmes de l’aristocratie ont la possibilité de fonder des couvents et d’intervenir sur les autorités ecclésiastiques et politiques grâce à leurs richesses. Toutefois, si l’exclusion des femmes de la vie intellectuelle ne les avait pas empêché de maîtriser le latin et d'avoir une place dans la culture savante, Hildegarde aurait-t-elle eu d'autres possibilités pour exercer son influence, autrement que par le moyen de la prophétie et du mystique, évitant ainsi que ses travaux ne se retrouvent cachés pendant des siècles durant?
 

Tituba, l'Autre sorcière de Salem

I Am Tituba The Witch, illustration by John W. Ehninger published in Poetical Works of Longfellow, circa 1902
Dans un tout autre contexte social et politique, naît Tituba, en 1674. Dans son livre, Moi, Tituba sorcière… Noire de Salem, Maryse Condé la décrit comme chassée de la plantation à l’âge de 7 ans et recueillie par une vieille femme marronne du nom de Man Yaya qui lui transmettra le pouvoir des plantes, de la Nature, l’intuition et le lien aux Invisibles.
Tantôt enfant d’une esclave Ashanti violée par un colon, tantôt Arawak arrachée à un village du Venezuela et mise en esclavage à la Barbade puis à Boston, l’histoire pourtant réelle de Tituba, entremêle servitude, pouvoirs et révoltes.
Chez le révérend Samuel Parris, deux fillettes hurlent et se tordent de douleurs. Ne trouvant pas d’explications rationnelles, le médecin explique qu’elles sont possédées par le diable et ce alors que la ville de Salem est traversée par d’innombrables cas dits « d’hystérie ». Tituba est alors arrêtée pour sorcellerie à l’encontre des enfants Parris.
Il faut savoir que nous sommes en 1692, la chasse aux sorcières connaît une recrudescence depuis presque 100 ans et est organisée par les tribunaux civils assoiffés de volonté meurtrière. Durant cette année, près de 200 personnes sont accusées de pratiquer la magie du diable et 19 vont mourir à cause de ces mêmes raisons.
 
Vue comme l’Autre au premier abord, de par sa couleur de peau et son statut social, Tituba se voit d’emblée subir la stigmatisation satanique nourrie par les fantasmes de la pensée raciste qui organisent cette colonie. Dans un premier temps elle niera toutes accusations faites à son égard, mais peu de temps après elle reviendra sur ses déclarations dans un récit rempli d’esprits maléfiques, de créatures complices ainsi qu'avec l'aide d'une assemblée de sorcières de Boston, en affirmant avoir obéi au diable.
Qu’a-t-il pu bien se passer pour que Tituba change sa déclaration en de tels aveux ? De nombreuses suppositions ont été faites, notamment celle de la torture et des châtiments corporels infligés par Parris lui rappelant le statut de maître et esclave.
Face à la doctrine puritaine de l’époque beaucoup de contemporains supposent l’ingéniosité de Tituba à élaborer un témoignage répondant aux perceptions de la race, du genre et de la religion. En nourrissant secrètement les craintes de conspiration de son agresseur et en se soumettant publiquement au rôle qu’on lui affabule, elle devient force de résistance. Dans sa confession elle fait état de son obligation à la servitude en tant qu’esclave, de sa prédisposition au péché en tant que femme, de sa résistance face à la menace démoniaque, appuyant ses excuses sur le Salut de l’âme qui s’obtient par la repentance. Repentance appelant ici pardon chrétien, on lui épargna la mort. Elle se fit cependant emprisonnée 15 mois durant car Parris refusa de payer sa caution, puis vendue à une personne inconnue avant de disparaître entièrement des archives historiques.
 

Adelphités : des incarnations féministes, le besoin de se soutenir

Septembre 2017, manifestation pour le droit à l’avortement sous déguisement de sorcières © Sadak Souici/Le Pictorium/MAXPPP
Des Women International Terrorist Conspiracy from Hell (W.I.T.C.H.) aux Witch Blocs près de 50 ans passent, mais la nécessité de s'incarner est la même.
 
En 1968 à New York, un groupe de femmes fonde W.I.T.C.H pour réaliser des actions éclairs au travers du théâtre-guérilla. Habillées en couleurs sombres, armées de balais et de chapeaux pointus, elles réalisent leur première action le jour d’Halloween à Wall Street. Ce jour là, le marché perd 13 points. Se voulant accessibles, drôles (pour celles qui les mènent) et politiques, les actions du groupe se propagent un peu partout dans le pays, dans les investitures, dans les universités, et tout autres endroits prompts à la manifestation.
Si W.I.T.C.H ne dura à l’époque que 2 ans, il ressuscitera un moment en 2016 à Portland sous le nom de W.I.T.C.H PDX en réaction à l’élection de Donald Trump mais aussi en France sous la forme de Witch Bloc en 2017 contre les ordonnances Macron et la loi travail.
 
Un manifeste retrace les revendications : "Des siècles durant, la culture dominante a persécuté tous ceux qui ont osé être différents : les guérisseurs, les sages-femmes, les queers, les solitaires, les vieux sages, les païens, les étrangers, les femmes sauvages. Les dissidents menacent le statu quo, particulièrement lorsqu'ils sont enveloppés dans une apparence inhabituelle, comme celle du mystique et sacré féminin. Ceux qui cherchent à nous oppresser nous ont toujours appelées 'sorcières' pour nous réduire au silence. Aujourd'hui, nous sortons de l'ombre, nous embrassons ce monde et tout ce qu'il a à défendre. Nous ravivons l'esprit et les intentions de l'organisation des années 1960 dont nous portons le nom. Nous souhaitons utiliser notre pouvoir pour briser l'injustice sous toutes ses formes, et aider à démanteler le système patriarcal de suprématie blanche qui la perpétue. La nouvelle génération de W.I.T.C.H. transforme notre rage collective, notre joie, notre peine, notre puissance, notre détermination et notre férocité en une force pour le changement." (Extrait du manifeste WITCH PDX)
 
La volonté d’agir, de se souder, de se développer et d’exister autour d’un féminisme militant, intersectionnel, pro-choix, qui défend les personnes LGBTQIA+ et toutes les personnes précarisées, rejetées mais aussi celles qui ne souhaitent pas se soumettre à la norme en vigueur, n'a pas finit de se réinventer.
 

En conclusion...

Mégère malfaisante qui fait peur aux enfants, créature extrêmement séductrice ou au contraire asexuée refusant la parentalité, vieille et monstrueuse ou encore savante et indépendante, la sorcière est menaçante puisqu’elle renvoie à toutes les peurs misogynes.
Cette image inextricable qu’on lit à certaines personnes libres, à celles qui ne se définissent pas par les hommes de leur entourage mais bien par leurs pouvoirs, (tiens tiens, ça nous rappelle une règle de jeu ça) continue de muter à travers le temps en ouvrant toujours plus les champs des possibles. En hommage à toutes celles qui survivent dans nos esprits, à celles qui n’ont pas encore découvert leur magie, ou à celles qu’on a tenté de faire taire mais qui font trembler les hiérarchies, célébrons les sorcières.
De Lilith à Mona Chollet, en passant par Jeanne d'Arc et les sœurs Halliwell, venez retrouver dans le jeu, les sorcières et celleux qu’elles ont fascinés.
 
D’ailleurs, quoi de mieux en cette future soirée d’Halloween que de se faire une partie de Bad Bitches Only autour d’un chocolat chaud ? #badwitchesonly
 
 
Playlist :
Bruja – Flèche Love
Sorcières – Pomme ft Klô Pelgag
Brujas – Princess Nokia I put a spell on you - Nina Simone
 
Pistes de lectures :
Le guide pratique du féminisme divinatoire, Camille Ducellier
Moi, Tituba sorcière… Noire de Salem, Maryse Condé
Sorcières, les femmes vivent, Xavière Gauthier
Rêver l'obscur. Femmes, Magie et Politique, Starhawk
Sorcières : pourchassées, assumées, puissantes, queer, Anna Colin
Sorcières 02, Hypatie, Christelle Pecout et Virginie Greinier
Sorcieres, la puissances invaincues des femmes, Mona Chollet
Caliban et la sorcière : Femmes, corps et accumulation primitive, Silvia Federici

 

1 commentaire

Angot

A l’age de 8ans je leviter sans rien voir un matin sur le chemin de l’ecole j’ai involontairement regarder mes piedsj’avais au moin dix bonne centimètres rntre le trotoite et mes pied j’ai reussit aleviter sans que j’ordonne quoique ce soiset bien d’autres encores arriver au debut de mon age adule plus rien c’est plus difficiles que si jamais j avais e aucun pouvoir j’etait passionner de mon don inée

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